Le 3 septembre 1939 : la France déclare la guerre à l’Allemagne, mais que va-t-on faire des enfants ?

Il y a 80 ans, le 3 septembre 1939, la France déclare la guerre à l’Allemagne. Cela fait quelques heures que les Britanniques ont déjà adopté une mesure identique. Depuis le début de l’été, les tensions diplomatiques avaient monté d’un cran et les bruits de bottes se faisaient entendre. Ce sont surtout les relations entre l’Allemagne nazie et la Pologne qui se sont dégradées ces dernières semaines. Hitler négocie à la fin du mois d’août un pacte de non-agression avec l’URSS, ce qui lui laisse le champ libre pour attaquer les Polonais devenus une proie facile. Le 1er septembre, les Allemands se lancent à l’assaut de leur voisin et les Britanniques et les Français, alliés de la Pologne, ne peuvent que préparer la riposte. C’est le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale qui allait durer 6 ans et qui a causé le plus grand cataclysme de l’Humanité, avec plus de 60 millions de morts.

Protéger les enfants avant tout

Début septembre, personne n’imagine encore l’ampleur de la catastrophe, même si les plus informés savent que l’ennemi nazi est prêt à tout pour soumettre l’Europe puis le monde. La dernière semaine d’août a rendu l’ensemble de la population plus nerveuse et les autorités veulent anticiper tout risque d’engrenage vers une guerre généralisée. Ainsi, lorsque l’Allemagne lance un ultimatum le 30 août à la Pologne, il est décidé de l’évacuation des enfants habitant Paris. Tout se met en place rapidement : des trains spéciaux sont affectés, plusieurs départements loin de la région parisienne et des départements de l’Est sont sollicités pour accueillir les plus jeunes. En quelques jours, tout a été organisé et l’opération est une réussite : le 1er septembre la presse annonce que les enfants sont arrivés sur les lieux de destination et c’est plus de 31 000 écolières et écoliers qui ont été ainsi évacué.e.s.

Les choses se précipitent ensuite et les premières heures de septembre sont celles où les Françai.se.s prennent conscience de la venue de la guerre. Les départements voisins de l’Allemagne sont à leur tour touchés par les évacuations d’enfants, mais aussi de la population civile, les grandes villes cherchent elles aussi à mettre à l’abri les plus jeunes en cas de bombardements. L’administration travaille nuit et jour pour dresser les plans d’évacuation et accueillir les enfants dans de bonnes conditions. Il faut dire que c’est encore une période de vacances scolaires et que cela peut freiner les opérations. Institutrices et instituteurs sont des aides précieuses pour mener à bien les évacuations partout en France, aidant aussi les parents à accepter l’angoisse du départ vers des lieux plus sereins. Mais la mobilisation générale va freiner le bon déroulement de cette mise à l’abri : ce sont 25 000 instituteurs qui sont mobilisés alors que la rentrée est prévue pour début octobre !

La mobilisation des instituteurs et de leur syndicat

Le vendredi 1er septembre, la France annonce la mobilisation générale. Plus de 25 000 instituteurs qui rejoignent rapidement les casernes pour faire face à l’ennemi nazi. C’est tout le système scolaire français qui est déstabilisé par l’entrée en guerre, avant même la reprise officielle des cours. Comment ouvrir les classes alors que de nombreuses écoles sont réquisitionnées, que des milliers d’enfants ont été évacués à la campagne, surtout si les maîtres manquent pour faire cours ?

Même si le déclenchement de la guerre n’entraîne pas encore de combats généralisés et si la France s’installe pour plusieurs mois dans une « drôle de guerre » où les armées ennemies se font face sans s’affronter, tout le monde comprend néanmoins que la violente déflagration va bientôt avoir lieu. Pour y faire face, toute la population se tient prête. Dans le monde scolaire, le Syndicat National des Instituteurs apporte sa pierre à l’édifice de défense nationale. Le premier numéro de son journal qui sort après la déclaration de guerre affirme : « Le Syndicat continue : avec lui toutes les tâches sociales et humaines qui sont ses raisons d’être. »

Peut-on encore espérer la paix sans vendre son âme au diable ?

On a parfois du mal à le comprendre aujourd’hui, mais le Syndicat national des instituteurs a alors un poids déterminant dans le monde scolaire : plus de 100 000 instituteurs y sont syndiqués sur un total de 120 000, ce qui suffit à montrer sa puissance dans l’éducation primaire. C’est André Delmas qui en est le principal représentant au déclenchement du conflit et il est à la tête d’une équipe rajeunie et très active. Né en 1899, il a commencé sa carrière d’instituteur à Montauban et devient le responsable national du SNI en 1932. Il fait partie des instituteurs qui sont mobilisés dès les premiers jours de septembre. Delmas, à la différence de beaucoup d’autres n’a pas connu la Première Guerre mondiale, puisqu’il était trop jeune. Cela ne l’a pas empêché d’être un des plus fervents pacifistes, faisant du SNI le fer de lance syndical du pacifisme en France et cela jusqu’aux dernières heures de la paix. À la fin du mois d’août, il tente avec quelques amis de lancer un appel pour la paix qui rassemblerait Britanniques, Belges et Français. La tentative échoue, mais un appel pour la paix réunissant les syndicalistes en France est publié les 29 et 30 août dans la presse de gauche :

« L’Europe est aujourd’hui au seuil de la guerre. Des millions de vies humaines seraient sacrifiées dans un conflit international où chaque peuple assisterait à la destruction barbare de ses villes et des richesses accumulées par des générations de travailleurs (…) Dans ces heures de péril, l’opinion ouvrière se doit de maintenir sa tradition toujours vivante d’attachement à la paix (…) Travailleurs d’Europe, aucun de vous ne peut concevoir la catastrophe sans apporter sa raison et son cœur à la cause de la paix. »

Même si quelques heures plus tard, un tel appel à la paix est rendu caduc par la déclaration de guerre, beaucoup de militants du SNI continuent d’être pacifistes, viscéralement, niant la réalité et les ambitions du nazisme allemand. Ils ne veulent pas d’une nouvelle guerre, surtout ceux qui ont vécu la Grande Guerre. Mais peut-on encore être pacifiste en septembre 1939 face à Hitler ? Une telle question divise au sein du mouvement syndical des instituteurs depuis déjà plusieurs mois, voire des années : elle va rapidement briser l’entente et les amitiés d’autrefois, créer des ruptures définitives et pousser vers l’acceptation de la défaite quelques mois plus tard pour certains, ou vers le refus de l’occupation allemande pour d’autres. Mais le 3 septembre 1939, nous n’en sommes pas encore là. Beaucoup en France veulent garder comme préoccupation première la protection des enfants afin de leur éviter les tourments de la guerre, parce que pour reprendre les mots de Marc Bloch écrits dans L’Étrange défaite « Il est un de ces tableaux (…) auquel je sens bien que je ne m’habituerai jamais : celui de la terreur sur des visages d’enfants fuyant la chute des bombes, dans un village survolé. Cette vision-là, je prie le ciel de ne jamais me la remettre sous les yeux, dans la réalité, et le moins souvent possible dans mes rêves. Il est atroce que les guerres puissent ne pas épargner l’enfance, non seulement parce qu’elle est l’avenir mais surtout parce que sa tendre faiblesse et son irresponsabilité adressent à notre protection un si confiant appel. »

Pour aller plus loin :

Olivier Loubes, L’école l’identité, la nation. Histoire d’un entre-deux-France, 1914-1940, Belin, 2017.

Matthieu Devigne, L’école des années noires. Une histoire du primaire en temps de guerre, PUF, 2018.

André Delmas, Mémoires d’un instituteur syndicaliste, Albatros, 1979.

Illustration : Le Populaire du 1er septembre 1939

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