L’appartenance de toutes et tous à un même ensemble
Venu de mathématiques, le terme « inclusion » signifie l’appartenance [entière] d’un ensemble à un autre ensemble (CNRTL). L’inclusion est donc à la fois « l’action d’inclure quelques chose dans un tout et le résultat de cette action » (Toupictionnaire). À partir de cette définition, le sociologue allemand Niklas Luhmann (1927-1998) a élaboré la notion d' »inclusion sociale » pour caractériser les rapports entre les individus et les systèmes sociaux. Dans ce sens, elle s’oppose à toutes les formes d’exclusion et concerne tous les domaines puisqu’il s’agit d’un processus permettant une approche active de toutes et tous à tous les aspects de la vie sociale. Pour Jean-Yves Le Capitaine, « cela signifie que tout le monde est « normal » en droit, quel que soit l’écart à une pseudo-norme qui serait définie par une moyenne de performance dans une population. La norme, c’est-à-dire la frontière d’inclusion, est élargie à tous. Qu’on soit fille ou garçon, noir ou blanc, valide ou handicapé, sourd ou entendant, on fait partie de la norme, on fait partie de l’environnement ordinaire, on ne peut plus en être exclu ».
La reconnaissance et la prise en compte de toutes les singularités
Il ne s’agit donc plus d’inciter les « personnes différentes, a-normales » à entrer dans une norme fixée par la majorité, mais à élargir la norme afin que toutes les singularités y soient incluses au même niveau. « La notion d’inclusion nous engage par conséquent à voir autrement ce que c’est d’être pleinement humain, à se représenter autrement la place des personnes handicapées dans la société, et à ne pas vouloir réparer les personnes avec des différences corporelles pour les faire rejoindre à tout prix le cercle fermé de la normalité qu’on a soi-même préalablement définie ». C’est dans ce sens que le CNCPH invite à la plus grande vigilance sur les termes employés pour désigner les personnes dites «handicapées», rappelant qu’« elles ne sont ni « fragiles », ni « vulnérables », ni même « malades » ». Il s’agit de prendre en compte – comme pour toutes les autres caractéristiques de couleur de peau, de genre, d’orientation sexuelle, de culture, de condition sociale et économique … – la réalité des personnes, ce qui constitue leur identité telle qu’elles souhaitent elles-mêmes se définir, leur intégrité individuelle, et de les inclure dans « la définition de la norme et de ce qui est qualifié d’ »ordinaire » ».
Différences entre inclusion et intégration scolaires
L’inclusion scolaire consiste à « adapter le système et le fonctionnement scolaires ordinaires à la diversité des besoins d’apprentissage des élèves (Canopé https://www.reseau-canope.fr/inclusion-scolaire.html). Elle se différencie donc des modèles d’intégration. En effet, l’intégration centrée sur les personnes comme problème a souvent considérer qu’il convenait d’intégrer celles pour qui la démarche était possible, excluant les autres. L’inclusion – et cela n’a rien d’évident ni de facile – comme l’indique le « rapport mondial de suivi sur l’éducation, 2020 » de l’UNESCO concerne « tous, sans exception ». Elle nécessite certes les ressources et les moyens (personnels, formation,…) pour la rendre possible. Mais elle est surtout une conception différente qui implique des transformations en profondeur.
Étudiant la question des enfants sourds, Jean-Yves Le Capitaine affirme que « l‘inclusion n’est pas un plus d’intégration » argumentant que « si l’on reste dans le modèle de l’intégration, on tolère de l’école qu’elle ne change que superficiellement, et l’on se satisfait d’une école excluante. Parallèlement, vouloir garder l’école telle qu’elle est, y compris avec quelques aménagements, c’est aussi tolérer l’intégration de quelques-uns et l’exclusion de beaucoup. S’approprier le concept de l’inclusion, c’est vouloir changer l’école pour qu’elle soit accueillante. C’est évidemment un travail de long terme » (Le Capitaine, Jean-Yves. « L’inclusion n’est pas un plus d’intégration : l’exemple des jeunes sourds », Empan, vol. 89, no. 1, 2013, pp. 125-131).
L’inclusion : une conception (politique) de la société
L’inclusion est un choix de société à laquelle l’École prépare et contribue, par le fait d’apprendre à vivre collectivement dans et avec la diversité des singularités individuelles. Pour Charles Gardou, « à rebours d’une logique disjonctive, fondée sur une conformité fantasmatique, l’optique inclusive se caractérise par la capacité collective à conjuguer les singularités, sans les essentialiser. Des singularités, parfois désarmantes, en relation avec d’autres singularités, à l’intérieur d’un tout, où chacun a le droit de se différencier, de différer. Et, dans le même temps, d’être, de devenir avec les autres ; d’apporter au bien commun sa biographie originale, faite de ressemblances et de dissemblances, sans être séparé de ses pairs, ni confondu avec eux, ni assimilé par eux. On peut, disait Aimé Césaire, se perdre « par ségrégation murée dans le particulier ou par dilution dans l’universel » » (La société inclusive, parlons-en ! Il n’y a pas de vie minuscule, 2012).
Loin d’une « obsession », l’inclusion est un projet de vie en commun en respectant et en s’appuyant sur la richesse de la diversité apportée par l’addition des singularités de chacune et chacun. Pas étonnant qu’une telle ambition puisse exaspérer un extrémiste comme Eric Zemmour, qui alimente les peurs, exacerbe les différences et revendique l’exclusion, si éloigné des valeurs exigeantes, généreuses et humanistes portée par le concept d’inclusion.
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