Chacun.e des 12 candidat.e.s à l’élection présidentielle a inscrit dans son programme de manière plus ou moins développée, des mesure concernant l’école, l’enseignement supérieur et parfois plus largement l’Éducation.
Les comparaisons ne sont pas vraiment possibles car les présentations différent et les propositions éducatives s’inscrivent dans une vision globale de la société prônée par les candidat.e.s.
Pour autant, quelques mesures phares mettent en évidence les questions posées sur les enjeux éducatifs de demain et la manière dont les acteurs de l’Éducation pourront/devront y répondre.
Revaloriser les personnels ?
Évoquée dans un premier temps par Anne Hidalgo s’engageant à revaloriser les salaires des enseignants « à la hauteur de l’importance de leur mission », et « aller vers leur doublement » pendant son quinquennat avec un salaire de début de carrière fixé à 2 300 euros, la totalité des candidat.e.s reconnaissent une rémunération trop faible des enseignant.e.s.
Leurs réponses sont pour autant diverses.
Ainsi, pour Nathalie Arthaud, il « faut embaucher massivement : des enseignants titulaires, des surveillants, du personnel d’entretien et de ménage, des assistants sociaux et des infirmières ».
Nicolas Dupont-Aignan envisage une augmentation du salaire des enseignants de 20 % et une prime supplémentaire de 20 % en échange de cours de soutien aux élèves en difficulté.
Yannick Jadot s’engage au recrutement d’au moins 65 000 enseignants avec revalorisation de 20 % de leur salaire sur le quinquennat, à l’augmentation du taux de personnels en remplacement, à la mise en place des pratiques de co-enseignement, et de temps de concertation et de délibération en équipe, à la refondation de la formation initiale et au renforcement à l’accès à la formation continue dont « la formation aux pratiques pédagogiques actives et collaboratives en classe comme dans l’équipe éducative ».
Revalorisation de 900 euros net, en le passant de 1 500 à 2 400 euros net pour un enseignant en début de carrière pour Jean Lassalle.
Marine Le Pen propose de revaloriser la grille indiciaire des enseignants de 3 % par an pendant le quinquennat.
Emmanuel Macron entend « poursuivre de manière significative l’augmentation des rémunérations » des enseignants, mais compte, en contrepartie, élargir leurs missions en mobilisant les enseignants disponibles, entre autre pour pallier l’absentéisme.
Augmentation de 30 % pour Jean-Luc Mélenchon mais en deux fois (15 % à son arrivée, puis à nouveau de 15 % durant le quinquennat) accompagner d’une rattrapage du gel du point d’indice depuis 2010 et d’une revalorisation des grilles salariales dans le cadre d’une négociation avec les organisations syndicales. Il souhaite également « renforcer partout les effectifs de la vie scolaire (assistants d’éducation, assistants pédagogiques) »
L’objectif de Valérie Pécresse pendant son quinquennat est « de rattraper au moins la moyenne de l’OCDE » et d’« accélérer les changements d’échelon en début de carrière et pour ceux qui acceptent des missions supplémentaires ou enseignent dans des établissements difficiles », elle propose « 10 000 recrutements de personnels (enseignants, surveillants…) en 5 ans ».
Philippe Poutou propose une « augmentation de 33 % des salaires et [l’]unification des statuts (temps de travail, salaires…) de la maternelle à l’université », « une titularisation de l’ensemble des contractuels·elles, le statut de fonctionnaires pour les AESH et les AED et un recrutement massif de personnels ».
Pour Fabien Roussel il s’agit, pour les enseignants comme pour tous les fonctionnaires, d’augmenter de 30 % les salaires et de dégeler le point d’indice, de réaliser 90 000 recrutements, de reconstruire une formation ambitieuse (alliant formation disciplinaire universitaire et formation professionnelle, sera reconstruite) d’inclure « un temps de concertation et de formation sera inclus dans le service des enseignant·e·s, sans augmentation de leur temps de travail ».
Eric Zemmour s’engage à revaloriser le salaire des enseignants avec une prime d’excellence professorale, d’accélérer leur progression de carrière et de défiscaliser intégralement les heures supplémentaires.
Pour quelle école ?
La question n’est pas elle traitée par tous les candidats. Ainsi Nathalie Arthaud, bien qu’enseignante elle-même n’a pas un mot sur l’école dans son programme.
40 mesures constituent le programme d’instruction publique de Nicolas Dupont-Aignan, parmi lesquelles la principale est de « donner la priorité aux savoirs fondamentaux » par l’encouragement de « l’apprentissage de la lecture par la méthode alpha-syllabique », l’augmentation significativement « de la part des exercices d’apprentissage par cœur (poésies, leçons…) […et] de l’exercice de la dictée », la suppression définitive « de l’enseignement d’initiation aux langues étrangères (EILE), avatar de l’enseignement des langues et des cultures d’origine (ELCO) », le rétablissement et le développement des internats d’excellence et des bourses au mérite. Il souhaite également « revaloriser les voies professionnelles et technologiques pour anticiper les besoins du Fabriqué en France » et « restaurer l’autorité des professeurs et la confiance en l’institution scolaire », en poursuivant « la création d’établissements spécialisés, en internat et avec mesures de sécurité renforcée, afin d’y accueillir les exclus définitifs », en réaffirmant « l’interdiction absolue de l’écriture inclusive », en permettant « à un établissement, en accord avec l’institution scolaire, de décider du port de l’uniforme dans le primaire et au collège ».
Pour Anne Hidalgo, « pour préparer nos enfants au monde dans lequel ils vivront », il s’agit de « déployer les pédagogies ouvertes et inclusives, de mettre fin aux ghettos scolaires pour rétablir la promesse de la République et permettre la réussite de tous les élèves en promouvant à l’école les valeurs de la citoyenneté et du respect ». Elle propose de « supprimer Parcoursup […], de garantir un accompagnement individualisé aux jeunes qui décrochent scolairement, d’impulser une nouvelle ambition pour l’université [et de faire de] l’éducation un nouvel axe de notre politique culturelle ».
C’est par une conférence de consensus avec l’ensemble de la communauté éducative (enseignant·e·s., familles, associations, périscolaire, collectivités) que Yannick Jadot veut « redessiner les contours d’une école désirable, une école des communs, de la démocratie en actes, vivante, ouverte sur l’autre ». Il souhaite favoriser « les apprentissages par l’expérience (exploration du monde extérieur, activité physique renforcée, projets culturels et artistiques, savoir-faire pratiques), mettre en œuvre une politique de mixité sociale et scolaire, renforcer le taux d’encadrement, le maillage et la formation des personnels d’éducation et du soin (médecins scolaires, infirmiers, assistants sociaux) pour répondre aux besoins de tous les élèves, donner du sens à l’école inclusive, ouvrir l’école sur les savoirs pratiques et son environnement (instauration pour tous les élèves des espaces d’acquisition des savoirs pratiques -réparation, cuisine, jardinage, construction…- avec un minimum de deux heures par semaine, partenariats avec les associations, les réseaux d’éducation populaire et le tissu industriel et agricole de proximité, mobilisation des ressources de l’éducation populaire et garantirons l’accès à un périscolaire de qualité) ».
Jean Lassalle vante « les vertus de l’Instruction publique »et souhaite « alléger les programmes scolaires en insistant sur les savoirs fondamentaux (apprendre à lire, écrire, compter), limiter le nombre d’élèves par classe dans toutes les écoles primaires ainsi que dans les collèges et lycées des REP-REP+, une seconde langue (étrangère ou régionale) dès le primaire, [une valorisation de ] l’alternance et les filières professionnelles [et la création d’]une nouvelle discipline pour maîtriser les outils numériques (et non plus les subir)». Il envisage de « revenir sur la réforme du bac (dite « Blanquer ») », rétablir le baccalauréat « comme diplôme national [et] créer des Collectifs de suivi pédagogique. ».
La volonté de Marine Le Pen est de « reprendre en main le contenu et les modalités des enseignements, et renforcer l’orientation précoce des élèves pour rétablir l’excellence éducative à la française » par l’augmentation du nombre d’heures de cours, la « priorité absolue aux enseignements du français des mathématiques et de l’histoire de France », la fin du collège unique, l’orientation en fonction des résultats au BND, l’imposition de l’uniforme en école primaire et collège, la « suppression des enseignements de langue et de culture d’origine (ELCO) ». Il s’agit aussi de « sanctuariser les établissements scolaires et mettre fin à la doctrine laxiste en matière disciplinaire »,
Emmanuel Macron veut renforcer « les fondamentaux » en augmentant les heures de français et de mathématiques en primaire et en 6e et mettre les mathématiques dans le tronc commun du lycée, instaurer 30 minutes par jour en primaire, faire découvrir « à tous les enfants de la 5e à la 3e, plusieurs métiers, dont les métiers techniques et manuels, faire du lycée professionnel une voie d’excellence, avec la méthode qui a réussi sur l’apprentissage, rendre Parcoursup plus prévisible [par la diffusion des résultats des années précédentes et l’accompagnement des familles] ». Il souhaite « la transparence sur tous les indicateurs de réussite éducative au niveau le plus local et plus de liberté pour les établissements dans leur organisation interne, pour le recrutement d’une partie de l’équipe pédagogique ».
Jean-Luc Mélenchon souhaite « assurer l’égalité devant l’école » par une véritable politique d’éducation prioritaire, la réduction des effectifs par classe, le renforcement des dispositifs de rattrapage scolaire, l’instauration d’une « nouvelle carte scolaire mettant fin à la ségrégation scolaire ». Son programme propose également de « faire de l’école le levier de la bifurcation écologique et démocratique », en intégrant « l’enjeu écologique dans les programmes de la maternelle au lycée et introduire de nouveaux enseignements pratiques », en portant « l’alimentation dans les cantines scolaires à 100% biologique et locale », en construisant « de nouveaux établissements à taille humaine et rénover le bâti existant », en étendant « le droit de réunion et d’association pour les lycéennes et lycéens », et en renforçant « l’éducation à l’égalité, contre le sexisme et les discriminations, dans les programmes scolaires ».
Valérie Pécresse met en avant une école de la transmission des savoirs s’appuyant sur la priorité aux fondamentaux (+ 2h de français et + 1h de mathématiques par semaine à l’école primaire), « un examen avant l’entrée au collège validant les acquis fondamentaux, la création d’une 6ème de consolidation, la fin de l’uniformité au collège, l’apprentissage sous statut scolaire à partir de 14 ans, la réintégration des mathématiques dans le tronc commun en 1ère et Terminale pour encourager les vocations scientifiques, la réforme de parcoursup, des bourses au mérite pour les bacheliers mention Très Bien ».
Philippe Poutou revendique une école émancipatrice pour tou.te.s les jeunes devant « donner ce qu’il faut à chaque jeune et lui permettre d’avoir le temps nécessaire pour trouver sa voie »,ce qui « suppose des programmes ambitieux, des diplômes nationaux et une école commune jusqu’à 18 ans [… et] la fin de la sélection scolaire ».
Fabien Roussel revendique de « transformer l’éducation [et] d’avancer vers une école commune pour toutes et tous ». Cela passe pour lui par des moyens dégagés pour l’augmentation du temps scolaire, la priorité donnée à la réussite scolaire (par la baisse des effectifs, « des équipes pluridisciplinaires, au service de la réussite de toutes et tous : médecins scolaires, psychologues, enseignantes et enseignants spécialisés, personnels de la vie scolaire, [la création d’] un véritable métier d’accompagnement des élèves en situation de handicap, sous statut de la fonction publique, avec un salaire digne et une formation ambitieuse), un plan de construction et d’amélioration des établissements publics et de leur équipement ».
Pour Eric Zemmour, il s’agir de retrouver l’« excellence de l’école française » en remettant « la transmission des savoirs au centre de l’enseignement », en passant par le recentrage de « l’enseignement autour des savoirs fondamentaux (lire, écrire, compter) à l’école primaire, [le contrôle de] l’acquisition des savoirs fondamentaux à la fin du primaire en instaurant un Certificat de Fin d’Études » et le fait de refaire de l’École « un sanctuaire ». Il propose «l’interdiction de l’écriture inclusive », la fin du collège unique et l’ institution de classes de niveaux, une filière pré-professionnelle dès l’entrée en 4e,, « des classes d’excellence littéraires et scientifiques dans un lycée par académie, afin de former de manière suivie une nouvelle élite et de tirer l’ensemble du système éducatif vers le haut »
L’ éducation au service d’une conception de la société
Il est essentiel de rappeler que les propositions éducatives s’inscrivent dans la cohérence générale d’un programme et ne peuvent pas en être séparées. Penser l’école, l’éducation, l’avenir, c’est penser la société de demain. Aussi les éléments mis en exergue ci-dessus n’ont de sens que rapporter à l’ensemble des orientations politiques portées sur l’ensemble des domaines qui constituent les programmes des candidat.e.s.
Ainsi, et malgré leurs différences, on reconnaît dans les programmes de Nathalie Arthaud et de Philippe Poutou, l’inscription de la lutte des classes et du communisme révolutionnaire.
Le nationalisme et la préférence nationale alimente les projets de Nicolas Dupont-Aignan, de Marine Le Pen, et d’Eric Zemmour. Leurs projets scolaires, centrés sur quelques enseignements fondamentaux, sur la discipline et sur un « récit national » et porteurs d’obligation de méthodes pédagogiques et d’interdictions sont au service d’une idéologie de l’exclusion et la ségrégation qui se traduit dès l’école par une orientation précoce et la valorisation d’une élite.
Pour comparer plus en détail les 12 programmes des candidat.e.s, Le Monde a mis en place un « décodeur » permettant de comparer leurs principaux éléments :
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Retrouvez l’ensemble des programmes éducatifs des douze candidat.e.s
Nathalie Arthaud :
Nicolas Dupont-Aignan : https://2022nda.fr/projet/instruction-publique/
Yannick Jadot https://www.jadot2022.fr/pour_un_service_public_de_l_education_juste_et_accueillant
Jean Lassalle https://jl2022.fr/wp-content/uploads/2022/03/Programme-A4-V5-25_02_22.pdf
Marine Le Pen : https://mlafrance.fr/pdfs/projet-l-ecole.pdf
Emmanuel Macron : https://avecvous.fr/wp-content/uploads/2022/03/Emmanuel-Macron-Avec-Vous-24-pages.pdf
Jean-Luc Mélenchon : https://laec.fr/chapitre/11/education-et-formation
Philippe Poutou : https://poutou2022.org/node/348
Valérie Pecresse : https://valeriepecresse.fr/wp-content/uploads/2022/03/Programme-Valerie-Pecresse.pdf
Fabien Roussel : https://d3n8a8pro7vhmx.cloudfront.net/fabienroussel2022/pages/217/attachments/original/1643038967/exe_la_france_des_jours_heureux_LIVRE_stc.pdf?164303896
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Illustration : d’après ©Actu Rennes
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