« Un ensemble d’expériences potentiellement transformatrices, de nature esthétique, mais aussi relationnelle et éthique, [qui] incarne alors la possibilité du développement conjoint du citoyen (sens critique, émancipation, renforcement du lien social) et de l’individu singulier ( autonomie, subjectivation, affirmation et expression de soi », telle est la définition d’un idéal de l’éducation artistique et culturelle que propose Anne Barrère et Nathalie Montoya. Cette mesure est aujourd’hui au cœur des politiques culturelles et tente d’irriguer les politiques d’éducation
Un ouvrage collectif dirigé et publié en septembre 2022 par le ministère de la Culture et justement intitulé : “L’éducation artistique et culturelle. Une utopie à l’épreuve des sciences sociales”, fait le point des recherches sur cette démarche et tout particulièrement la place des acteurs professionnels, enseignant·e·s, artistes, animatrices et animateurs, médiatrices et médiateurs…
A partir, entre autres matériaux, de l’étude du Centre Henri Aigueperse sur les loisirs des enfants vu par les animateurs, Nathalie Roucous et Denis Adam, ont contribué à cet ouvrage en rédigeant un chapitre consacré aux médiateurs culturels du secteur de l’animation et à leurs pratiques scolaro-centrées. Il met en évidence les tensions professionnelles dans ce secteur assez fortes, puisque l’EAC, comme les autres formes d’activités hors scolaires, se définit, se justifie et s’énonce dans un registre éducatif et scolaire, éloigné de celui du loisir, alors même que les animatrices et animateurs relèvent du domaine du loisir. La « scolarisation » de l’approche culturelle des loisirs sert à la fois à légitimer les pratiques et les professionnels de l’animation, à leur propres yeux comme de manière externe. Pour autant, cette reconnaissance « éducative » inscrite dans l’héritage des politiques de démocratisation apparaît comme une marginalisation des démarches d’éducation populaire, davantage sensible à la question de la démocratie culturelle et tend à éloigner une approche plus émancipatrice.
Comme le précise Emmanuel Ethis dans la préface de l’ouvrage, inscrite comme une démarche de démocratisation “parfois – force est de le reconnaître – beaucoup trop idéalisée », l’EAC mérite aujourd’hui d’être considérée davantage comme une utopie que comme un idéal atteint.
————————————————————–
L’éducation artistique et culturelle. Une utopie à l’épreuve des sciences sociales, sous la direction d’Anne Jonchery et Sylvie Octobre, Ministère de la Culture, Les presses de SciencesPo, Paris, 2022
Votre commentaire