La pandémie de Coid-19, même si elle n’est pas entièrement derrière nous, a fortement marqué le monde éducatif. Et bien que la France ait limité le nombre de jours de fermeture des écoles et des établissements scolaires, les « professionnels de l’éducation, tout comme les élèves et leurs parents, ont basculé brutalement dans une nouvelle configuration de travail et d’apprentissage », comme le précise Régis Guyon, le directeur adjoint de l’Institut français de l’éducation, dans l’article introductif du numéro 200 de la revue Diversité dont il est le rédacteur en chef. « Une école reconfigurée par la pandémie », comme l’ensemble du numéro de la revue, « a pour ambition de rendre compte des transformations en cours sous l’effet de la crise sanitaire, et d’en tirer les premiers enseignements à l’aune de l’expérience des acteurs eux-mêmes, telle qu’elle peut être décrite, comprise, analysée ».
En 2016, Olivier Rey (Dossier de veille de l’Ifé n°107) constatait que « De nombreuses politiques éducatives, ces dernières années, ont été conçues pour mettre en place des « cadres » ou des technologies de pression « externes » sur les écoles et les acteurs éducatifs avec l’objectif de changer les pratiques mais sans affronter explicitement et directement les questions de contenus ou de pédagogie ». Ainsi de moins que par le mythe d’une absence de réformes (souvent dénoncée), le domaine de l’Éducation souffre au contraire d’une multiplication de réforme de structure qui modifie l’organisation de l’École, sans profondément en changer les pratiques.
Cette fois, la pandémie a imposé, de l’extérieur, un changement dont « l’école et tous ses acteurs ressortent ébranlés de ces presque deux années particulièrement éprouvantes », contrainte de plus pouvoir « faire classe tout à fait comme avant ». Ainsi Régis Guyon émet « l’hypothèse, même s’il manque encore le recul nécessaire pour en analyser tous les tenants et aboutissants, que cette crise sanitaire déjà longue, au fil des pics successifs, ne sera pas qu’une simple parenthèse, mais qu’elle aura indéniablement des répercussions sur l’expérience scolaire des élèves, sur l’expérience professionnelle des enseignants, mais aussi de nombreux métiers de l’éducation ».
La question de la durabilité des changements est pourtant posée. Le risque est qu’effectivement qu’il ne s’agisse, « concernant certaines modalités de travail et d’apprentissage, d’une parenthèse qui disparaîtra avec la levée des restrictions liées aux protocoles sanitaires successifs ». D’autant que l’auteur interroge la « crise » et ces conséquences « comme autant de contraintes imposées ou bien comme des opportunités pour construire un consensus collectif ». La réaction à la réforme annoncée de l’enseignement professionnel laisse penser que le consensus est loin d’être atteint. Et que pour être durables, les changements induits par la pandémie nécessitent d’être inscrits « dans un mouvement plus global de reconfiguration, accentuant certaines tendances, orientations ou réformes en cours, encourageant de nouvelles dynamiques et des mouvements de résistance ». En particulier, il faudrait qu’ils permettent « d’identifier avec plus d’acuité des contradictions, des tensions au cœur des institutions d’enseignement, d’éducation et de formation, entre les nécessaires impératifs de transmission culturelle, de réduction des inégalités, d’inclusion et de réussite de tous ».
Si l’on en juge par les très nombreux internationaux menés sur le sujet (par l’OCDE comme l’Internationale de l’Éducation, pour ne citer qu’eux…), la nécessité d’inventer la manière d’assurer une « continuité pédagogique » avec ou sans le recours au numérique et dans l’alternance entre le présentiel et le distanciel, à soulever de nombreuses questions à la fois sur la reconfiguration du travail enseignant, la relation avec les familles, la prise en compte des difficultés des élèves. Le plus généralement des réponses locales, particulières, spécifiques ont été construites. Çà et là, elles ont produit des transformations. Pour autant, aucune réforme n’est venue acter dans les démarches pédagogiques, comme dans la formation des enseignant.e.s, une volonté et une ambition de transformation en profondeur de la manière de faire « école » : en cette fin de crise, le chantier reste à ouvrir.
Pour retrouver l’intégrale du numéro 200 de la revue Diversité : https://publications-prairial.fr/diversite/index.php?id=1424
Photo : GettyImages/FatCamera
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