Voter : un engagement professionnel

Combien seront les participant.e.s aux élections professionnelles de la Fonction publique qui se déroulent depuis le 1er décembre et durent jusqu’au jeudi 8 décembre ? Le taux de participation est un des enjeux de ce scrutin, en effet en 2018, les agents publics avaient été, pour la première fois, moins de 50% à participer au vote. Même au ministère de l’Éducation nationale où les personnels sont davantage engagés, mobilisés et syndiqués la participation en 2018 a été de 42,64 %. Un taux certes est en hausse de 0,91 point par rapport à 2014 (41,73 %), mais loin de ce qui pourrait être attendu, voire espéré.

Il y a de nombreuses raisons certainement de s’abstenir. La première d’entre elle étant la méconnaissance de l’utilité de ces élections professionnelles, entre celles et ceux qui oublient de voter n’en voyant pas l’importance et celles et ceux qui ne le font pas volontairement considérant que « ça ne sert à rien ». La mise en place de nouvelles instances de dialogue social (les CSA) et la transformation du rôle des CAP, peuvent alimenter ce sentiment d’inutilité, alors même que la force des organisations syndicales sera justement mesurée à l’aune des résultats des élections professionnelles. Plus elles comptabiliseront de votants, plus elles seront en mesure de représenter les personnels, de les défendre et de négocier leurs conditions de travail.

Car il y a davantage de raisons de voter. A commencer par l’agenda des réformes gouvernementales avec les questions de pouvoir d’achat et les annonces sur les retraites. Une faible participation aux élections professionnelles serait le signal d’organisations syndicales peu représentatives et donc peu mobilisatrices avec lesquelles le gouvernement pourrait se dispenser de compter. A l’inverse, un vote important renforce les syndicats, leur capacité de contre-pouvoir et de négociation collective.

Plus globalement, si les études sur les votants dans l’éducation nationale mettent en évidence une corrélation entre la participation au scrutin, le fait d’être syndiqué.e ainsi que la participation à des grèves et manifestations, elles montrent surtout que les « déterminants sont toutefois singuliers et le degré d’intégration professionnelle joue un rôle prépondérant sur le niveau de participation électorale des enseignants et bien plus que sur la syndicalisation », comme le précise  Tristan Haute, dans un article pour la revue Participations  « Le vote professionnel, entre rapport au syndicalisme et rapport au métier et à l’institution : le cas des enseignant·e·s du secteur public en France », (Participations, vol. 25, no. 3, 2019, pp. 139-164).

Dit autrement, voter aux élections professionnelles relève d’un engagement professionnel, plus que d’une adhésion syndicale. Ainsi, au-delà des critères traditionnels d’ancienneté, de genre, de lieux d’enseignement, l’analyse des résultats de la participation aux élections professionnelles peuvent aussi s’analyser au regard des disciplines enseignées (dans le second degré), des implications professionnelles (directrice/teur dans le premier degré, professeur.e principal.e, tutrice/teur de stagiaires, coordonnatrice/eur de disciplines…). Ces éléments socioprofessionnels ont tous des impacts positifs sur le taux de participation. Ils illustrent le lien entre le fait de voter et celui de se sentir intégré dans la structure éducation nationale, d’y avoir sa place et donc de pouvoir y tenir un rôle.

Les personnels de l’Éducation souffrent d’un manque de reconnaissance et de valorisation alors même qu’ils trouvent du sens à leurs missions et se sentent bien dans leurs écoles, établissements, services (voir l’article « D’un baromètre à l’autre » ). Dans ce contexte, si l’abstention peut être le signe d’un « relatif désencastrement social » renforcé par l’usage du vote électronique, une participation massive aux élections professionnelles, vécue comme un levier de reconnaissance de leurs rôles et de leurs missions, pourrait être l’expression d’une volonté de prise en compte et de changement : la marque d’un pouvoir d’agir de l’intérieur mobilisé par les personnels éducatifs eux-mêmes.

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