Les syndicalistes au cinéma ne sont pas si nombreux. Évidemment on pense à Vincent Lindon, dans le film de Stéphane Brizé « En guerre » (2018) ou au documentaire « On va tout péter » de Lech Kowalski (2019). Mais une femme syndicaliste est encore plus rare sur le grand écran.
Avec « La syndicaliste » de Jean-Paul Salomé (2022), c’est le drame vécu par la déléguée syndicale CFDT d’Aréva, Maureen Kearney en 2012 qui est mis en scène et en images.
Il y aurait certainement beaucoup à dire quant à la construction de ce thriller qui se veut coller le plus possible à la réalité, sur les choix esthétiques du film ou sur l’interprétation juste et dérangeante, prégnante et profonde d’Isabelle Huppert.
Au-delà de ces aspects déjà fortement relayés par la critique cinématographique, ce film invite à une réflexion plus profonde. Quatre domaines –au moins – sont questionnés : le pouvoir, la justice, le syndicalisme et, le plus important d’autant plus qu’il est d’actualité à quelques jours du 8 mars, journée internationale des droits des femmes, les violences faites aux femmes.
Le pouvoir c’est celui des dirigeants des grandes entreprises, de leurs enjeux professionnels et personnels, c’est également celui des politiques, de leurs actions ou inactions, de leur manière de se protéger, voire de se soutenir.
La justice sort finalement blanchie puisque l’appel permet de reconnaître l’innocence de la syndicaliste, mais que d’erreurs avant, que d’affronts, que d’idées toutes faites, de certitudes reposant sur des préjugés et la volonté de ne pas desservir les puissants.
Le syndicalisme ne se tire pas indemne de ce drame. Si la syndicaliste se bat avant tout pour sauver des emplois, on sent combien ce combat devient personnel, comment elle développe une proximité avec la directrice précédente et remerciée de l’entreprise, et la difficulté pour la section syndicale de la suivre, de la soutenir, de partager son engagement. Même si le soutien viendra au final sur les marches du palais de justice.
Mais « la syndicaliste » est avant tout le vécu dramatique d’une femme harcelée, agressée, violée, maltraitée, humiliée. Une femme forte et fragile à la fois, confrontée à un monde majoritairement d’hommes.
Et le film semble poser en permanence cette question « un homme, syndicaliste, aurait-il été traité de la même façon ? ». Et il y répond par la négative.
Une réponse qui doit interroger notre société, le fonctionnement des structures professionnelles privées comme publiques, mais également la construction d’une égalité entre les femmes et les hommes dans l’engagement syndical.
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« La syndicaliste », un film de Jean-Paul Salomé avec Isabelle Huppert, Grégory Gadebois, François-Xavier Demaison, Yvan Attal, Marina Foïs, Pierre Deladonchamps, d’après le livre éponyme de Caroline Michel-Aguirre (2019, éditions Stock), actuellement en salle.
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