Le 10 avril 1870, l’alors député républicain Jules Ferry déclarait dans une conférence sur l’égalité d’éducation :
« Réclamer l’égalité d’éducation pour toutes les classes, ce n’est faire que la moitié de l’œuvre, que la moitié du nécessaire, que la moitié de ce qui est dû ; cette égalité, je la réclame, je la revendique pour les deux sexes… La difficulté, l’obstacle ici n’est pas dans la dépense, il est dans les mœurs. »
Le 8 mars 2023, journée internationale des droits des femmes, il pourrait être tentant de se réjouir que 150 ans plus tard l’évolution des mœurs permet (enfin) cette égalité d’éducation pour les deux sexes.
Mais est-elle si réelle ? Pas vraiment.
Et ce pour trois raisons (sans hiérarchie).
Les femmes sont largement absentes des programmes scolaires. Quelques-unes en littérature, peu en histoire et en arts, encore moins en sciences.
Malgré des volontés affichées et répétées de faire plus de place aux femmes autrices, artistes, célèbres ou anonymes qui ont fait bouger la société, scientifiques et savantes, les choses progressent encore trop lentement. Pas uniquement par la seule faute de l’école, mais aussi par faute d’absence de documents, de supports, de valorisation des femmes, ce qui, heureusement, tend à évoluer avec des ouvrages comme « Autrices, ces grandes effacées qui ont fait la littérature » (aux éditions Hors d’atteinte) ou des expositions comme « Femmes scientifiques d’hier et d’aujourd’hui » actuellement à la Cité des sciences.
Les femmes sont majoritaires dans les métiers de l’éducation mais pas dans les hiérarchies.
En 2021-2022, 1 202 900 personnes étaient en activité au ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse dont 883 000 femmes et 319 900 hommes. Comme le rappelle Mélanie Fabre (« Les hussardes noires de la République ? ») et Claude Lelièvre (« Les hussards noirs sont surtout des femmes ») dans le Café pédagogique (8 mars 2023) la place des femmes dans l’enseignement n’est pas nouvelle et leur présence majoritaire date. Pour autant, elle n’est pas homogène. A l’École, elle est fortement liée à l’âge des élèves, mais aussi au postes de responsabilité. Ainsi les chiffres du bilan social du ministère de l’Éducation nationale donne 41,2% de femmes dans l’encadrement supérieur, 51,9% dans les corps d’inspection et 53,1% dans le corps de direction. Mais en détail, il faut regarder les disciplines et le niveau (primaire ou secondaire) pour l’inspection et la répartition entre cheffes (43% de femmes) et adjointes (55% de femmes).
Les femmes réussissent mieux à l’école mais se censurent dans leur orientation.
Tous les chiffres le montrent, les résultats des filles sont globalement meilleurs que ceux des garçons. Mais ayant moins confiance en elles, elles choisissent des filières conduisant à des métiers moins rémunérateurs ou à moindre niveau de responsabilité. Ainsi, elles sont peu nombreuses à choisir les mathématiques ou les sciences dites « dures », s’orientant davantage vers les professions du « care », des lettres et des sciences humaines.
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Un rapport du haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE) consacré à la Formation à l’égalité filles-garçons (de février 2017) invitait à « faire des personnels enseignants et d’éducation les moteurs de l’apprentissage et de l’expérience de l’égalité ». Un levier qui ne peut avoir de sens que si l’École elle-même donne l’exemple, tant dans les contenus de ses programmes, dans l’accompagnement à l’orientation et une gestion égalitaire de ses personnels. Il est essentiel de le rappeler chaque 8 mars pour en prendre conscience et d’agir chaque jour pour faire (enfin) progresser l’égalité.
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