Attaque, et défense, relance de la guerre scolaire, justice sociale contre liberté de choisir son école… toucher à l’école privée en France est toujours compliqué, pour ne pas dire conflictuel.
Pierre Mauroy en a fait la difficile expérience. Et Pap Ndiaye qui souhaite davantage de mixité sociale dans des écoles financées à 75% par l’État, se heurte à la critique. A vrai dire, les défenseurs de l’enseignement privé s’étaient fait plus discrets lorsque généreusement, en imposant la scolarité obligatoire dès 3 ans, Jean-Michel Blanquer avait rendu obligatoire également le financement public des écoles maternelles privées.
Ces débats enflammés ne se concentrent que sur l’enseignement scolaire privé sous contrat. Il déborde parfois vers les écoles hors contrat accusées de servir de replis communautaire à des idéologies fort discutables.
Mais, comme le fait justement remarquer Claude Lelièvre dans un des derniers billets sur son blog, « l’enseignement privé « hors contrat » dans le supérieur est celui qui a le plus d’importance relative (plus que l’enseignement privé »sous contrat » dans le primaire et le secondaire). Et c’est celui dont l’augmentation et l’importance sont les plus fortes ces 5 dernières années (loin devant l’enseignement privé « hors contrat » dans le primaire et le secondaire.). Et c’est pourtant, étrangement, celui qui est le moins sur le devant de la scène, éclipsé par les deux autres ».
Héritage des débats préparatoires à la loi Debré, « la question de la contractualisation de l’enseignement supérieur privé avait été abordée, puis abandonnée, notamment à cause des diplômes canoniques de philosophie et de théologie des instituts catholiques ». Les établissements privés d’enseignements supérieurs sont donc tous « hors contrat ».
Mais si dans les années 1950, il s’agissait essentiellement d’établissements catholiques accueillant environ 20 000 étudiant.e.s, ils se sont depuis beaucoup diversifiés. A côté des traditionnels instituts catholiques, on compte nombre d’écoles de commerce, de gestion et d’ingénieur, d’écoles de service social ou artistiques, de STS… Et ce sont 737 000 étudiant.e.s qui sont concerné.e.s, par l’enseignement privé dans le supérieur, soit 24,8% de la population étudiante, évaluée à 2 969 000 en France métropolitaine et dans les territoires d’Outre-mer, à la rentrée 2021.
La « Note d’information 21.14 » du SIES de décembre 2021 précise l’augmentation récente et significative des effectifs des écoles supérieures privées en ce début de XXIe siècle. Ils représentaient 13% des étudiant.e.s en 1990 comme en 2000, mais déjà 19% en 2010, 19,7% en 2016, pour atteindre 24,8% en 2021. Elle note une progression en 2020-2021 de + 8,8 %, supérieure à celle de l’enseignement public (+ 1,5 %), remarquant qu’ « en dix ans, les inscriptions dans le privé ont crû de 38 % (à dispositif équivalent), alors que les inscriptions dans le secteur public ont progressé de 17 % sur la même période ».
Ainsi, si depuis 1980 le nombre total d’étudiant.e.s en France a doublé, celui dans les établissements privés d’enseignement supérieur à plus de tripler. Une partie croissante des structures est financée par des fonds d’investissement et n’appartient pas aux 64 « établissements d’enseignement supérieur privés à but non lucratif, concourant aux missions de service public de l’enseignement supérieur » (EESPIG, label créé en 2013). Cela conduit à une lente mais régulière privatisation, voire marchandisation, de l’enseignement supérieur.
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Le billet de Claude Lelièvre est à retrouver ici : https://blogs.mediapart.fr/claude-lelievre/blog/250423/les-ecoles-privees-qui-prosperent
La note d’information 21.14 du SIES : https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/sites/default/files/2021-12/ni-sies-2021-14-15604.pdf
Le statut et la listes des EESPIG : https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr/la-qualification-d-etablissement-d-enseignement-superieur-prive-d-interet-general-eespig-46277
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