On peut voir le verre à moitié plein. Alors que les résultats des évaluations PIRLS 2021 – qui mesure les compétences des élèves de CM1 dans leur compréhension de l’écrit – montrent une baisse générale pour les pays européens, le score de la France progresse. Certes le progrès est minime, mais il existe, passant de 511 points en 2016 à 514 points en 2021. Il est d’autant plus remarquable qu’il interrompt ainsi une régression régulière depuis 20 ans : en 2001, le score des élèves français était de 525 points, en 2011 de 520.
Mais on peut également voir le verre à moitié vide. Malgré ce léger frémissement, la France demeure en dessous de la moyenne européenne située à 527 points. Seuls la Serbie, le Monténégro, Chypre et la Belgique ont de moins bons résultats alors que la Finlande et la Pologne affichent les meilleurs résultats européens avec 549 points. Singapour (587 points), Hong Kong (573 points) et la Russie (567 points) sont les meilleurs élèves de la classe mondiale.
Autre point d’inquiétude, l’évolution des résultats par niveaux des élèves met en évidence en France une légère progression des « très bons élèves » (+1 points par rapport à 2016) et des » bons élèves » (27% en 2021 soit +1 points par rapport à 2016), une baisse de 2 points des « élèves moyens » (passant de 42% à 40%), mais un maintien du nombre d’ »élèves faibles » (22%) et « très faibles » (6%). Bien que progressant de 4 points entre 2016 et 2021, ces deux dernières catégories ne représentent respectivement que 17% et 5% dans la moyenne européenne (17 et 5%). Il faut ajouter qu’entre 2016 et 2021, l’écart s’est également creusé en France entre les écoles favorisées, dont le score moyen est passé de 526 à 523, et les écoles défavorisées voyant leur score chuter de 490 à 466, soit 57 points de différences. Cet écart est plus faible dans la moyenne européenne : il est de 45 points avec 510 points pour les école favorisées et 465 pour les écoles défavorisées.
Les faibles progrès en France ne semblent donc pas bénéficier aux élèves qui en auraient le plus besoin.
De même, alors que l’écart entre les performances des filles et celles des garçons tendait à se réduire (plus par un affaiblissement du score des filles que par une élévation de celui des garçons d’ailleurs), il recommence à se creuser. Ainsi alors qu’elles étaient passées de 531 en 2001 à 515 en 2016, les filles affichent un résultat de 521 en 2021. Dans le même temps le résultat des garçons est descendu de 520 en 2001 à 507 en 2016 et se maintient ainsi en 2021.
Des causes multifactorielles
Difficile de trouver des explications à l’ensemble de ses résultats. Il peut certes y avoir un effet COVID qui reste à démontrer, mais qui pourrait pour partie expliquer que les élèves français ayant moins manquer de jours de classe durant la pandémie, s’en sortent un peu mieux. Mais d’autres facteurs sont en jeu.
Alors que l’enseignement du français dépasse les 8 heures hebdomadaire en France soit 308 heures dans une années scolaire (36%) contre 6 heures hebdomadaire dans les autres pays européens soit 228 heures, la faiblesse de la compréhension des textes peut aussi s’expliquer par les types d’activités pédagogiques proposées aux élèves. Ainsi dans son analyse qu’elle fait de l’étude, la DEPP montre que « les professeurs français sont moins nombreux que leurs collègues européens à déclarer proposer à leurs élèves de manière quotidienne et/ou hebdomadaire des activités susceptibles de développer leurs stratégies et leurs compétences en compréhension de l’écrit ». Ainsi, « si 40 % des professeurs français déclarent proposer au moins une fois par semaine à leurs élèves de « comparer ce qu’ils ont lu à des faits qu’ils ont vécus », au niveau européen ils sont 77 %. Les professeurs français sont 32 % à déclarer proposer au moins une fois par semaine à leurs élèves de « déterminer la perspective ou les intentions de l’auteur » contre 52 % parmi les professeurs européens. Enfin, ils sont 14 % à proposer au moins une fois par semaine à leurs élèves de « décrire le style ou la structure du texte » contre la moitié chez leurs collègues européens ». Des compétences étudiées également plus tôt dans les autres pays européens « par exemple, concernant « Évaluer et critiquer le style ou la structure d’un texte » les directrices et directeurs d’école des pays de l’UE sont 40 % à déclarer avoir mis l’accent sur cette compétence avant le CM1 contre 24 % pour la France ».
La différenciation pédagogique est également bien moins pratiquée en France : 16 % des enseignants français déclarent avoir recours à l’enseignement individualisé pour la lecture de façon régulière (« toujours ou presque toujours » ou « souvent ») contre 36 % pour leurs collègues européens. 30% des enseignants français disent ne jamais y avoir recours contre 14 % pour les professeurs européens.
De même, seuls 29% des professeurs français proposent « de façon régulière à leurs élèves de travailler seuls avec un plan de travail ou un objectif à atteindre contre 55 % pour leurs collègues européens. À l’inverse, ils sont 33 % à déclarer ne jamais proposer cette modalité de travail contre 8 % pour la moyenne européenne ».
Alors que durant le quinquennat précédent, le ministère s’est évertué à transmettre les « bonnes méthodes » de décodage dans l’apprentissage de la lecture, ce sont des formations dans « la prise en compte de la différenciation de l’enseignement en fonction des besoins et des intérêts des élèves » (61 % contre 45 % dans les autres pays européens) et dans « l’évaluation de la lecture des élèves » (49 % contre 41 %) que les enseignants français réclament de manière prioritaire.
Une nécessité qui, au-delà d’améliorer le classement de la France dans les évaluations PIRLS, permettrait une meilleure prise en compte de tous les élèves, une plus grande compétence pédagogique et certainement de meilleurs résultats dans la compréhension de l’écrit pour le plus grand nombre ; une compétence plus qu’indispensable.
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