L’éducation vue par les médias : un débat sans cesse recommencé ?

Dans le cadre de l’assemblée générale du Centre Henri Aigueperse – UNSA Éducation, une table-ronde regroupant les journalistes Judith Blanes (AEF, présidente de l’Ajeduc, association des journalistes en éducation), Luc Cédelle (le monde.fr) et Morgane Verviers (vice-présidente du Centre) à permis un riche échange sur cette question.

Retour sur les points forts.

Évidemment, il y a les marronniers comme celui de la rentrée des classes. Mais en dehors de ces rendez-vous imposés, la question éducative, généralement réduite à sa part scolaire, apparaît comme souvent récurrente. Évaluations, rythmes, méthodes de lecture, sélection à l’université… sont des sujets qui reviennent en permanence et semblent occulter tous les autres.

La faute aux médias ?

L’intérêt limité de l’opinion publique pour les questions d’Éducation ?

L’interminable succession des réformes de chaque ministre de l’Éducation nationale ?

« Une question qu’on se pose nous-mêmes journalistes éducation » confirme Judith Blanes qui évoque « deux éléments objectifs qui renforcent ce sentiment de répétition » : les « temporalités de l’éducation » avec ses rendez-vous inévitables et cycliques, rythmant l’année scolaire (rentrée, vacances, résultats des concours enseignants, Pisa, le mouvement des enseignants, le bac…) et ses « éléments de langage », souvent sous forme de slogans ministériels ou gouvernementaux qui standardisent les débats.

« La dimension institutionnelle de l’Éducation » pour Luc Cédelle qui relève deux autres niveaux, celui « du terrain » qui demande d’aller dans les classes, dans les établissements à la rencontre des acteurs… et celui « des débats », des controverses permanentes, des questions qui font polémiques, de la place de la recherche,…

S’interroge alors la « professionnalisation des journalistes en éducation » ou des celles et ceux qui traitent des sujets éducatifs, car dans de nombreux médias, en particulier dans la presse régionale, il n’y a pas de journalistes spécialisés sur ce sujet, souvent même pas de rubriques « Éducation » en dehors de l’actualité.

Dans la hiérarchie symbolique, l’éducation est loin d’être un sujet prioritaire tant dans le choix des la formation des journalistes, dans leur choix de spécialisation comme dans la mise en avant de ses sujets dans une rédaction. Féminisés, peu reconnus, peu nombreux, les journalistes en éducation sont souvent perçus comme « des mamans qui doivent parler à des mamans » ironise Judith Blanes.

« Alors que c’est un sujet total, composé de nombreuses states»  plaide Luc Cédelle, qui touche à toutes les dimensions de la société (politique, philosophique, sociologique, psychologique…)

D’où la perception d’un décalage comme le regrette Morgane Verviers qui interroge « Est-ce un sujet comme les autres ? » et met en évidence « le peu d’espace pour peser sur le débat public » alors que l’éducation est « un sujet essentiel et un bien commun ».

Tous trois s’accordent sur la difficile question du temps. L’actualité est une course au temps, un flux rapide dans lequel une information chasse l’autre. Alors que l’Éducation nécessite un temps long. Celui de se familiariser avec le sujet, d’en percevoir les nuances, les clivages -parfois enflammés- de connaître et comprendre les acteurs…

Or, si la manière dont les journalistes rendent compte de l’Éducation peut s’interroger, il faut également questionner « les modes de communication des syndicats et associations » prévient Luc Cédelle, qui invite à faire échos avec l’opinion publique, à chercher à se faire comprendre par « la crémière de Beausoleil » et pas seulement à parler pour son camp, pour ses militants, pour les spécialistes. « Comment renouveler les débats/combats ou mêmes les revendications dans des structures qui ont du mal elles-mêmes à se renouveler ? » se demande Judith Blanes afin de sortir d’un phénomène de lassitude qui donne l’impression que ce sont toujours les mêmes qui parlent des mêmes sujets…

Il s’agit, pour Morgane Verviers, d’être davantage en « interface avec le terrain, d’élargir le sujet, de donner une place pour les personnels non enseignants et leurs missions, de situer l’Éducation comme une responsabilité collective » et de réaffirmer que « projet éducatif et projet de société, vont ensemble », qu’ils sont les deux face d’une même construction d’avenir.

Ainsi, à son rythme, le débat sur l’Éducation se renouvelle et n’est pas figé. Mais montrer ce qui bouge dans les évolutions, les revendications des acteurs, selon les contextes et les rapports de force…, nécessite d’avoir la possibilité d’investiguer, demande de prendre le temps, impose de communiquer, et certainement de communiquer autrement.

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