La revue « Administration et Éducation » célèbre ses 45 ans en republiant des articles essentiels publiés dans ses 140 premiers numéros, étalés de 1979 à 2013. Occasion de s’interroger sur ce qui a changer dans l’École, au sens large de ce terme.
Comme le constate Jean-François Chanet en introduction de ce numéro la tentation pourrait être grande de céder « à la désolante pensée d’un “retour éternel” qui ramènerait en cercle, indéfiniment, les mêmes tentatives, les mêmes déceptions et la monotonie insipide des recommencements » (pour reprendre les mots de Jean Jaurès sur la conclusion de « L’Île des pingouins » d’Anatole France).
Rien n’aurait donc changé ? Ce n’est certes pas le cas.
De multiples réformes sont venues modifier en profondeur le fonctionnement du système éducatif français au cours de ces 45 dernières années. On pense évidemment à la création du collège unique, à la décentralisation et au rôle accru que jouent dorénavant les collectivités territoriales, aux successives transformations de la formation des enseignant.e.s. La massification scolaire et universitaire ainsi que favorisation de l’insertion professionnelle ont aussi durablement orienté les transformations et les adaptations de l’offre éducative. La revue rappelle les questionnements sur l’évaluation, sur l’autonomie ou celle sur les contenus d’enseignement et sur la pédagogie. Dès 2001, Bernard Toulemonde insistait sur l’importance de la gestion des ressources humaines à l’Éducation nationale. Ainsi, les interrogations de fond ne sont pas nouvelles et, à défaut d’avoir su – ou voulu – leur construire des réponses adaptées, elles demeurent d’actualité.
La plus fondamentale de toute reste celle que posait un article de François Dubet en 2011 sous le titre « Attendons-nous trop de l’école ? ». Évidemment la réponse était positive. Elle l’est encore. A l’heure où l’on se repenche –résultats PISA finissant par l’obliger – sur le poids des déterminismes sociaux conduisant aux inégalités scolaires, il n’est pas inutile de reprendre le raisonnement proposé par François Dubet. Le sociologue posait en effet la question dans les termes inverses : « quel est le poids des inégalités scolaires sur les inégalités sociales qu’elles engendrent » ? « Or, plus l’emprise des diplômes est élevée, plus l’école est inégalitaire et plus les inégalités scolaires se reproduisent entre les générations », constate-t-il.
S’agit-il de remettre en cause la justesse (voire la justice) d’un système qui reconnait le mérite et de la formation pour les traduire dans une plus ou moins grande valorisation sociale ? De fait, c’est davantage du côté des contenus d’apprentissage et donc des compétences validées par l’École que le problème est posé. Alors que l’échec scolaire conduit une bonne partie des « mauvais élèves » à se considérer comme incapables d’apprendre, rien ne permet de prendre en compte leurs aptitudes dans les domaines qui ne sont pas sanctionnés par l’institution scolaire.
Les résultats des évaluations internationales ne disent pas autre chose lorsqu’elles constatent chez les élèves français un déficit de coopération, d’imagination ou une peur de l’échec.
Alors que la société sait parfaitement ce qu’elle est en droit de demander comme connaissance à un élève afin qu’il soit admis dans une grande école, elle serait bien en peine de définir le bagage qu’elle attend (et donc qu’elle entend donner) pour l’ensemble de ses citoyens. Pour combler ce vide, l’École a été investie de missions supplémentaires au fil de l’actualité et des exigences sociétales se traduisant par une démultiplication des « éducation à… ». Sans repenser le sens et les contenus des enseignements cela apparait comme une manière d’en demander encore plus à l’École, toujours plus, toujours trop.
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« La revue administration & éducation : un observatoire du changement dans l’éducation nationale », Administration & Éducation 2023/1 (N° 177), 212 pages. Éditeur : Association Française des Acteurs de l’Éducation (AFAE).
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